Extrait de César l’éclaireur, Bernard Montaud, aux Editions Dervy.

« Ce livre est une application concrète de l’enseignement des anges, les « dialogues » mis en pratique…. »

Gitta Mallasz

Jacques vient de dormir dans la grange de César. Il aperçoit César debout sur le pas de sa porte, contemplant les grands arbres et le vallon. César se tourne à peine vers lui, juste pour sourire avant de reprendre sa contemplation.

« Il n’avait pas bougé le bougre. Solidement planté sur le pas de sa porte, monsieur respirait. Impossible de rentrer.

Alors, je fis mine de l’imiter en m’intéressant moi aussi au paysage. Il fallait gagner du temps, il n’allait quand même pas me chasser !

Bon, une minute ça va, la campagne est belle. Mais passé les premiers instants, cela commence à bien faire.
Le silence devint lourd et avec l’ennui, les idées revinrent au galop, les tourments, les souvenirs. Bref, je m’agaçais.

J’étais coincé, coincé de n’avoir qu’à respirer, coincé d’être libre. Et en plus il faisait froid, et puis j’avais faim, et puis, j’aurais bien fumé une cigarette.

Lui qui sait tout, il devait bien savoir que ce n’est pas confortable de dormir dans une grange. Il -devait bien sentir mon impatience et mon pauvre ventre creux.

Que me préparait-il encore?
Quel miroir allait soudain renvoyer mon image ?

Alors j’ai respiré plus fort, me laissant prendre au jeu. J’étais sur le qui-vive, cherchant à surprendre le moindre signe, le moindre reflet. J’étais tellement aux aguets qu’imperceptiblement, il fit moins froid. Même la faim sembla s’évanouir, et la cigarette cessa de me préoccuper.

C’était drôle ce renversement du monde, où toute gravité avait peu à peu disparu, laissant la place au jeu.

Mais bien sûr, le voilà mon miroir fulgurant !
La force des grands arbres monta jusqu’à moi, comme si leur sève venait couler dans mes veines. J’étais à point, j’étais dompté, reprenant vie à pleins poumons, et je compris l’efficacité de l’exercice du : « seulement respirer ».

Voilà, je déjeunais en trempant mon regard dans la campagne, le ventre nourri autrement.
Je consommais un feu qu’aucune cigarette ne sait donner.

Vous pensez bien qu’il l’avait senti, et il ne fut plus nécessaire de rester plantés ainsi.
Il inspira profondément, comme quelqu’un de satisfait.
Juste avant de rentrer il me lança :

-As-tu goûté le rendez-vous secret ? »